Le fléau des observations du ciel profond, c’est la pollution lumineuse.
Pour lutter contre ça, il existe des filtres spécifiques ciel profond.
Mais alors quels sont ces filtres ?
Sont-ils vraiment efficaces ?
Existe-il vraiment des filtres capables d’améliorer vos observations du ciel profond ?
Et comment bien choisir son filtre ciel profond ?
C’est ce que nous allons voir ensemble dans cet article.
Table des matières
Filtre ciel profond : qu’est-ce que c’est ?
Tout comme pour les observations planétaires, solaires et lunaires…
Il existe des filtres dédiés aux observations du ciel profond.
Ces filtres sont surtout conçus pour limiter l’effet de la pollution lumineuse sur les objets.
Mais on va voir qu’en faisant ça, ils permettent aussi de faire ressortir plus les astres…
Et donc d’améliorer le contraste et la qualité de ce qu’on observe.
Filtre ciel profond : fonctionnement
Ce type de filtres est dit interférentiel ou encore dichroïque.
Ces termes barbares signifient simplement que le filtre permet de séparer la lumière en plusieurs longueurs d’ondes différentes.
(Pour rappel, la lumière blanche peut se décomposer en toutes les couleurs du spectre visible. Chaque couleur est associée à une longueur d’onde.)
Dans le cas d’un filtre interférentiel, une partie de la lumière est réfléchie.
Tandis que l’autre le traverse.
On peut ainsi filtrer la lumière pour ne laisser passer que les longueurs d’ondes (les couleurs) qu’on veut.
La particularité du filtre dichroïque, c’est qu’il ne fonctionne que lorsqu’il est incliné à un certain angle.
Et ça a d’ailleurs une conséquence étonnante.
Lorsque vous prenez un filtre ciel profond dans la main…
Selon son orientation, il n’apparaîtra pas de la même couleur.
En filtrant les longueurs d’ondes associées aux lumières parasites (comme les lampadaires)…
Le filtre anti-pollution lumineuse assombrit le fond de ciel et améliore ainsi le contraste des objets.
Il rehausse donc les détails.
Ces filtres sont notamment efficaces sur les lampes au sodium ou au mercure ainsi que les néons.
(Ce type d’éclairages font partie de la catégorie des lampes à décharge.)
En effet, la couleur de la lumière émise par ces lampes est directement liée au type de gaz qu’elles contiennent.
Il est donc assez facile de filtrer ce type d’éclairage.
Malheureusement, de plus en plus d’éclairages publics sont remplacés par des lampes à LED, beaucoup moins consommatrices.
Ces dernières émettent de la lumière blanche, constituée donc de l’ensemble des longueurs d’ondes du spectre visible.
Les filtres anti-pollution lumineuse sont ainsi inefficaces face à ces nouveaux types d’éclairages.
Ils restent néanmoins encore de nombreuses zones éclairées par des lampes à décharge où les filtres peuvent être utilisés.
Voyons maintenant les différents types de filtres ciel profond.
Les différents types de filtres ciel profond
On divise les filtres anti-pollution en deux grandes catégories : les filtres à large bande et les filtres à bandes étroites.
Commençons par voir les filtres à large bandes.
Les filtres à larges bandes
Les filtres dits à large bande, comme leur nom l’indique, laissent passer une plus grande gamme de longueurs d’ondes. Que leurs cousins à bandes étroites.
Cette plage de longueurs d’ondes qu’ils laissent passer est appelée bande passante.
(On la trouve souvent inscrite sous le sigle FWHM dans les caractéristiques des filtres.)
Cette dernière se situe généralement autour des 90 nm pour les filtres à large bande.
Ce type de filtres est utilisable sur tous les objets du ciel profond (galaxies, amas, nébuleuses…).
Contrairement aux filtres à bandes étroites que nous verrons par la suite.
En revanche, ils sont aussi moins efficaces que les filtres à bandes étroites.
En effet, comme ces filtres laissent passer une plus large gamme de longueurs d’ondes…
Ils sont moins sélectifs et ne filtrent donc pas toutes les lumières parasites.
Les plus répandus dans cette catégorie sont les filtres CLS (pour City Light Suppression).
Passons maintenant aux filtres à bandes étroites.
Les filtres à bandes étroites
Comme leur nom l’indique, ces derniers sont plus sélectifs, ils ne laissent passer qu’une fine plage de longueurs d’onde.
Ça a principalement deux conséquences.
Premièrement, ils sont plus efficaces que les filtres à larges bandes, car plus précis.
En restreignant davantage les longueurs d’ondes captées, ils éliminent plus de lumière parasite.
Mais ça a une autre conséquence.
Les filtres à bandes étroites ne sont pas adaptés à l’observation des amas et galaxies.
En effet, ces derniers émettent de la lumière dans une large palette de longueurs d’ondes.
Et en restreignant trop la plage de lumière captée…
Le filtre à bande étroite empêche une grande partie de la lumière de ces objets de passer.
On perd donc en informations et cela limite également la visibilité des objets.
Car vous le savez, les objets du ciel profond sont peu lumineux.
Et on a besoin de capter le plus de lumière possible.
Là où ce n’est pas dérangeant pour une nébuleuse qui émet en grande partie dans une petite plage de longueurs d’ondes…
(Permettant ainsi de capter toute la lumière de l’objet malgré le filtre.)
C’est un gros problème pour les amas et galaxies.
Un exemple pour mieux comprendre
Ça peut paraître un peu compliqué à visualiser comme ça.
Alors prenons l’exemple d’une passoire et d’un sac de sel.
(La passoire étant le filtre. Et le sel, la lumière.)
Mon sel est constitué de grains de plusieurs tailles. C’est un sel de type galaxie.
Si ma passoire a des trous trop petits (comme un filtre à bande étroite)…
Une grande partie de mon sel ne passera pas.
Alors que si je prends un sachet de sel contenant uniquement des tous petits grains (cette fois-ci un sel de type nébuleuse)…
La passoire va laisser passer tout le sel.
Si maintenant j’ajoute dans mes deux sacs de sel, des petits pois (représentant la lumière parasite)…
Dans le cas du sel de type galaxie, les petits pois seront certes retenus dans la passoire…
Mais une grande partie de mon sel aussi.
Je filtre la lumière parasite, mais je perds aussi trop de lumière intéressante.
Dans le cas du sel de type nébuleuse en revanche, les petits pois sont filtrés…
Et la totalité du sel passe. J’arrive donc à me débarrasser de la lumière parasite, sans pour autant perdre l’information que je veux garder.
Maintenant qu’on a vu pourquoi les filtres à bandes étroites ne sont pas adaptés aux amas et galaxies…
Voyons-en les différents types.
Les différents types de filtres à bandes étroites
Il existe deux principaux filtres à bandes étroites : les filtres UHC et O-III.
Commençons par voir ensemble le filtre UHC.
Le filtre UHC
Les filtres de type UHC (Ultra High Contrast) sont moins sélectifs que les filtres O-III.
Ils possèdent une bande passante d’environ 25 nm.
Ils laissent ainsi passer les principales raies spectrales des nébuleuses.
À savoir les raies O-III, H-β et H-α.
Tout en bloquant notamment les longueurs d’onde des vapeurs de sodium et de mercure.
Comme on l’a vu, le filtre UHC s’utilise uniquement sur les nébuleuses.
Pas sur les amas ni les galaxies.
Il est moins performant que le filtre O-III, car moins sélectif et offre donc moins de contraste.
Mais il est par conséquent aussi plus polyvalent et s’utilise ainsi sur quasiment toutes les nébuleuses.
Ce qui n’est pas le cas du O-III.
Enfin, il existe également des filtres UHC-E (pour Ultra High Contrast Economic) qui ont une bande plus large que les UHC classiques.
Ainsi, un filtre UHC-E a une bande passante d’environ 45 nm.
Il apporte donc un contraste moins élevé, car il est moins spécifique.
Mais il transmet plus de lumière.
Ce qui le rend plus adapté aux télescopes de plus petits diamètres.
En effet, le gros inconvénients des filtres c’est qu’ils ne peuvent pas tous être utilisés sur des télescopes de petits diamètres.
Par exemple, un filtre de type UHC est plutôt recommandé pour les instruments à partir de 150 mm de diamètre, sous un ciel peu pollué.
Et au-delà de 200 mm sous un ciel de ville.
Là où le filtre UHC-E pourra s’utiliser sur des télescopes à partir de 100 mm de diamètre.
De manière générale, plus un filtre est restrictif, plus il sera adapté à de gros diamètres.
Et peu recommandé pour des petits diamètres.
C’est encore une fois lié à la quantité de lumière transmise par les filtres.
Si le filtre est trop sélectif et que le télescope ne récolte déjà pas beaucoup de lumière (télescope de petit diamètre)…
Il ne restera finalement pas suffisamment de lumière une fois filtrée.
L’autre avantage du filtre UHC-E, c’est qu’il laisse également passer la raie du carbone ce qui permet notamment d’observer les comètes avec.
Passons maintenant au filtre O-III.
Le filtre O-III
Comme nous l’avons vu plus haut, ce filtre est plus sélectif encore que l’UHC.
En général, il possède une bande passante située entre 10 et 12 nm.
(En tout cas pour l’observation. Il existe également des filtres O-III spécifiques à l’astrophotographie avec des bandes encore plus étroites.)
Comme son nom l’indique, ce filtre est spécifique à l’Oxygène 3 (qui correspond en fait aux atomes d’oxygène doublement ionisés.)
On retrouve l’O-III en grande quantité dans les nébuleuses diffuses et planétaires.
Contrairement au filtre UHC, la spécificité très élevée du filtre O-III le rend utilisable uniquement sur certaines nébuleuses.
Il permet ainsi d’observer les nébuleuses planétaires ainsi que certaines nébuleuses diffuses, comme les Dentelles du Cygne.
Et apporte un niveau de contraste très élevé.
Allant même jusqu’à faire apparaître des nébuleuses dans des zones du ciel qui semblent pourtant vides sans filtre.
Le filtre O-III est en quelque sorte un peu un magicien à ce titre.
Vous l’aurez compris en revanche, sa spécificité le rend utilisable uniquement à partir d’un certain diamètre.
Il est ainsi souvent recommandé pour les télescopes à partir de 200 mm.
Il est également plutôt conseillé pour les astronomes avertis puisqu’il ne s’utilise que sur une poignée d’objets.
Voilà, vous savez tout sur les différents filtres ciel profond !
Avant de conclure cet article, voici notre avis chez Astronomie Pratique sur ce type de filtres.
Notre avis sur le filtre ciel profond
Avant toute chose, nous n’avons encore jamais eu l’occasion de tester ce genre de filtres pour de l’observation.
Aussi, ce qui va suivre s’appuie uniquement sur des retours que nous avons pu avoir d’autres astronomes.
Et nous ne pouvons vous faire de retour d’expérience direct sur les filtres ciel profond.
Néanmoins, si vous aimez observer le ciel profond…
Que vous pratiquez régulièrement depuis déjà un certain temps…
Que vous avez déjà investi dans un télescope d’assez grand diamètre et dans de bons oculaires…
L’achat d’un filtre anti-pollution lumineuse peut être intéressant.
Il vous permettra d’améliorer la qualité de vos observations (voire d’accéder à de nouveaux objets pour l’O-III).
En fonction de la qualité de votre ciel, la différence sera bien sûr plus ou moins importante.
Mais cela peut valoir le coup.
On trouve de bons filtres pour moins de 100€ en 1″25. Et entre 100 et 200€ en 2″.
Veillez simplement à bien choisir un filtre adapté au visuel (et non un filtre dédié à l’astrophotographie).
Quoi qu’il en soit, ayez bien conscience qu’un filtre anti-pollution lumineuse ne remplacera jamais un ciel noir.
D’ailleurs, comme on l’a vu, ce type de filtres n’est pas en mesure de bloquer les lumières de type LED.
Par ailleurs, ils ne bloquent pas non plus la lumière lunaire.
En effet, comme vous le savez, la Lune est éclairée par le Soleil.
La lumière qui nous parvient d’elle est donc tout simplement de la lumière blanche.
Ce qui signifie qu’elle est constituée de l’ensemble des longueurs d’ondes visibles.
Ainsi, un filtre anti-pollution lumineuse ne sera pas efficace sur la lumière lunaire.
Évidemment, plus il est restrictif, plus la lumière lunaire sera atténuée.
Mais elle ne sera jamais à 100% bloquée.
Les filtres ciel profond peuvent donc être utiles et améliorer la qualité des observations…
Mais sous certaines conditions et toujours avec une limite.
Il ne s’agit pas d’un accessoire miracle.
Conclusion
Voilà, vous savez normalement tout ce qu’il y a à savoir sur le filtre ciel profond pour l’observation.
Encore une fois, ces derniers peuvent être utiles, surtout pour les télescopes de gros diamètres.
Mais ils ne feront pas non plus des miracles, surtout si votre ciel est très pollué.
Par ailleurs, ils ne sont pas du tout indispensables si vous débutez tout juste l’astronomie.
Prenez d’abord le temps de maîtriser votre instrument, d’habituer vos yeux aux observations…
Et si vous devez investir dans du matériel…
Pensez d’abord à changer vos oculaires pour améliorer la qualité des images.
Le filtre ciel profond pourra venir dans un second temps si vous avez le budget.
Et si vous observez vraiment souvent.
Si vous possédez déjà l’un de ces filtres, n’hésitez pas à partager votre expérience dans les commentaires 🙂
Et comme d’habitude, avec ou sans filtre ciel profond…
N’oubliez pas de garder la tête dans les étoiles ✨