Uranie : tout savoir sur la Muse de l’Astronomie

Cet article a été écrit par Zack du site Espace Stellaire.


L’astronomie est un vaste sujet. Mais elle est aussi une discipline pratiquée et étudiée depuis des siècles.

Ce qui fait d’elle une des plus anciennes activités humaines encore pratiquées aujourd’hui. Il n’est donc pas étonnant que son histoire remonte très loin dans le passé.

Cette ancienneté de l’astronomie fait également en sorte qu’elle a accumulée, au fil du temps, une riche histoire. 

J’aimerais vous présenter une partie de cet héritage en vous racontant l’histoire d’Uranie, la muse de l’astronomie.

Il s’agit d’un personnage issu de la mythologie grecque dont le souvenir s’est effacé au fil des siècles, mais qui était autrefois bien connu. 

Mais avant d’aborder l’article, j’aimerais remercier Laura et Marion qui ont eu la gentillesse d’accueillir mon article sur leur blog.

C’est toujours un plaisir de pouvoir partager et faire connaître ses champs d’intérêt à de nouveaux lecteurs.

Comme Laura et Marion, je m’intéresse énormément à l’astronomie et plus particulièrement à l’histoire de l’astronomie.

Je m’intéresse donc aux faits historiques derrière les nombreuses percées et découvertes faites par les différentes civilisations dans le domaine de l’astronomie. J’aime également creuser certains aspects moins bien connus, mais tout aussi intéressants.

C’est ce que j’aimerais vous faire découvrir à travers cet article.

Je vous invite donc à remonter avec moi plusieurs siècles dans le passé.

Uranie
Urania, par l’artiste peintre italien Giuseppe Fagnani, 1869.

Qu’est-ce qu’une muse ?

Avant d’aborder le cœur de notre sujet, il est important de s’attarder un instant et de se demander qui étaient les muses, ces êtres mythologiques, dont on a conservé le souvenir depuis l’Antiquité. 

Encore de nos jours, l’expression muse est largement répandue pour signifier une source d’inspiration dans le cadre d’activités créatrices.

Un peu comme quand vous êtes devant une page blanche et que vous souhaitez que des idées vous viennent à l’esprit. 

Eh bien, dans l’Antiquité, on croyait que dans cette situation-là, il fallait invoquer une muse pour qu’elle descende du mont Olympe, la résidence des dieux grecs, et qu’elle vienne vous inspirer.

Selon la mythologie grecque, les muses sont les neuf filles issues de l’union entre le dieu grec Zeus et Mnémosyne, la déesse de la mémoire. 

C’est d’ailleurs du nom de cette dernière que l’on a dérivé le mot pour désigner les techniques de mémorisation mnémotechniques. 

(Une des techniques les plus connues fait d’ailleurs référence à l’astronomie et permet de se rappeler le nom des différentes planètes de notre système solaire. Vous avez sans doute toutes et tous appris cette phrase à l’école : Mon vieux tu m’as jeté sur une nouvelle planète. J’ai conservé Pluton pour les nostalgiques…) 

C’est le poète Hésiode qui, au 8e siècle av. J.-C., dans sa Théogonie, son récit de l’origine des dieux, nomme les muses et relate leur origine. 

Selon la tradition grecque, ce sont elles qui inspirent les chants et les paroles des poètes. Les poètes les invoquent afin qu’elles les inspirent et les aident à trouver les mots qui donneront à leurs œuvres grâce et beauté.  

Dans la tradition grecque antique, chacune des muses représente un art particulier : la danse, la musique, l’histoire, la comédie, la tragédie, la poésie sacrée, la poésie épique, la poésie lyrique et enfin l’astronomie. (Respectivement : Terpsichore, Euterpe, Clio, Thalie, Melpomène, Polymnie, Calliope, Érato et enfin Uranie)

Les musées témoignent encore aujourd’hui, bien qu’indirectement, du rôle des muses dans les arts et la culture. 

En effet, le mot Musée, du grec mousaion, signifie temple des muses. 

À Alexandrie, déjà dans l’Antiquité, cette appellation était utilisée pour désigner des lieux qui servaient à l’étude de l’art et des sciences, domaines liés à ces êtres mythologiques.

Un exemple remarquable de cette association entre les arts et les muses se trouve bien représenté par le Grand Théâtre de Bordeaux.

grand theatre de bordeaux
Le Grand Théâtre de Bordeaux accueille aujourd’hui l’Opéra national de Bordeaux

Ce théâtre, inauguré en 1780, est typique du style néo-classique de l’époque des Lumières (17e-18e siècles). 

Je ne peux m’empêcher de penser à la cathédrale Saint-Pierre de Rome avec ses colonnes et son architecture inspirée de l’antiquité gréco-romaine. 

La ressemblance va même jusqu’aux statues perchées au-dessus du portique.

statue uranie
Statue d’Uranie située au-dessus du portique du Grand Théâtre de Bordeaux

Seulement au lieu d’y voir des apôtres des saints de la religion chrétienne, on retrouve sur ce temple des arts les représentations de 3 déesses (Junon, Vénus et Minerve) et des 9 muses.

Uranie

La muse Uranie, qui dit-on, se distinguait par sa beauté, était la muse associée à l’astronomie. 

Autrefois, le ciel et l’espace étaient perçus comme la patrie ou la résidence des dieux. 

Par ailleurs, Uranie est également, par sa mère, la petite fille du dieu du ciel Uranus. C’est ce qui explique la signification de son nom Ourania en grec : Céleste ou celle du ciel.

En plus de cela, Uranie est aussi la muse des astrologues. Vestige d’un temps ou l’astronomie et l’astrologie ne constituaient qu’une seule et même discipline. 

Par conséquent, on lui attribuait également la capacité de prédire le futur grâce au positionnement des étoiles et des planètes.

gravure uranie
Gravure représentant Uranie

Parmi ses principaux attributs, elle est toujours représentée portant un globe céleste et tenant un compas et sa tête est parfois représentée ceinte d’une auréole étoilée.

Ces caractéristiques sont demeurées, pour l’essentiel, inchangées au fil des siècles.

Qu’est-il arrivé à Uranie au cours du Moyen-Âge ?

Si les représentations et les évocations d’Uranie étaient nombreuses durant l’Antiquité, son souvenir s’est lentement dissipé avec le développement du christianisme et l’abandon des cultes païens gréco-romains.

Et ainsi, les saints de l’Église chrétienne ont remplacé les muses et les divinités grecques. Pour autant, les astronomes ne sont pas restés orphelins. 

Les saints patrons ont remplacé les muses

Au cours du Moyen-Âge, sans que l’on sache très bien comment, les astronomes ont eu pour saint patron Saint Dominique, le fondateur de l’ordre religieux des Dominicains. 

Il n’a pourtant laissé aucun traité d’astronomie connu ou d’indice qui aurait pu laisser croire qu’il s’intéressait à cette discipline.

uranie statue
Statue d’Uranie, muse de l’Astronomie

Mais que l’astronomie soit tombée sous le patronage et la protection d’un moine n’est pas du tout une idée saugrenue.

Au cours du Moyen-Âge, bien que l’étude et la pratique de l’astronomie se soient estompées en Europe, elles demeurèrent exercées dans les cercles religieux.

Grâce notamment à la continuation de l’enseignement des sept arts libéraux, dont l’astronomie faisait partie intégrante.

(C’étaient en quelque sorte les matières que l’on enseignait aux étudiants de l’époque : grammaire, dialectique, rhétorique, arithmétique, musique, géométrie et astronomie).

L’astronomie continua particulièrement à être pratiquée par les moines pour déterminer la date de la fête de Pâques, dont la prévision se base sur un calendrier lunaire. 

Autre fait notable, c’est au moine bénédictin anglais Bède le Vénérable, qui vécut au 8e siècle de notre ère, que l’on doit le choix du calendrier chrétien établissant le commencement de notre ère avec la naissance de Jésus-Christ en l’an 0. 

Bède le Vénérable est également l’inventeur du comput, l’art de calculer et déterminer, grâce à des observations astronomiques et mathématiques, les fêtes religieuses mobiles. 

(En effet, encore aujourd’hui, dans bien des cultures, les observations astronomiques sont souvent utilisées pour des raisons religieuses.)

Uranie dans la culture moderne et contemporaine

Avec la fin du Moyen-Âge, vont survenir de nombreux changements tant scientifiques que culturels.

Ces changements et ces découvertes vont mener à un regain d’intérêt pour les savoirs et la culture antique.

Uranie dans la peinture

Malgré les siècles, le souvenir d’Uranie ne s’est toutefois jamais complètement effacé. Avec la redécouverte et le regain d’intérêt pour la tradition gréco-romaine, qui survient autour du 15e siècle avec la Renaissance, Uranie refait surface.

uranie peinture
Représentation d’Uranie adossée à un globe céleste. Œuvre du peintre français Simon Vouet, 1634

Dans le domaine de la peinture, Uranie a joui d’une grande exposition. L’engouement associé à l’esthétique et aux thèmes de l’Antiquité a bien sûr inspiré de nombreux peintres à représenter Uranie.

Comment expliquer la réapparition d’Uranie dans la culture artistique et scientifique européenne ?

Vous vous demandez sans doute pourquoi des artistes peintres se sont intéressés à un personnage mythologique lié à l’astronomie? Eh bien, il y a deux explications possibles. 

Premièrement, à partir du 15e siècle, la science va connaître un développement incomparable. 

Les gens allaient devenir fascinés par les nouvelles découvertes qui leur parvenaient régulièrement et qui changeaient leur vision du monde. 

On est à une époque où l’engouement pour la science, et donc pour l’astronomie, va s’accélérer. 

Deuxièmement, ce développement de la science va avoir un impact direct sur les mentalités des gens de l’époque. 

Les artistes de l’époque voyaient dans leurs œuvres, non seulement le moyen d’exprimer leur créativité, mais également le moyen de reproduire la perfection qu’ils percevaient autour d’eux dans les lois de la nature. 

C’est une des raisons pour lesquelles, à cette époque-là, les peintres consacraient énormément d’énergie à produire des peintures harmonieuses et réalistes notamment en usant abondamment des principes mathématiques et géométriques. 

Ainsi, leur intérêt pour l’astronomie résultait du fait que le Soleil, la Lune et le mouvement des planètes ont toujours été vus comme la représentation même de l’ordre et de la perfection. 

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le terme cosmos, qui sert à désigner l’Univers en grec, signifie également ordre. 

C’est donc tout naturellement que, pour symboliser cet ordre et cette perfection de l’Univers, les artistes de l’époque ont choisi de représenter la muse de l’astronomie.

Le bouleversement scientifique de la Renaissance

Il n’est donc pas étonnant que le souvenir d’Uranie ait refait surface avec la Renaissance et le courant intellectuel humaniste (15e-16e siècle). 

Car comme nous venons de le voir, la Renaissance ne fût pas simplement une redécouverte de la culture grecque et romaine, mais également la découverte de nombreuses nouvelles avancées scientifiques. 

La science, telle qu’on la conçoit de nos jours, c’est-à-dire une démarche rigoureuse fondée sur des observations, des principes et des lois physiques, vit le jour au cours de cette période. 

L’astronomie fut un des domaines qui bénéficia le plus des découvertes scientifiques de la Renaissance.

Avec les observations de Nicolas Copernic au 16e siècle, qu’il publia dans son De Revolutionibus Orbium Caelestium, c’est tout un pan de la connaissance humaine qui fut chamboulée. 

Sa théorie révolutionnaire de l’héliocentrisme permit surtout de modifier définitivement la conception qu’avait l’être humain de sa propre place dans l’Univers. 

Copernic va affirmer dans son système astronomique que c’est le Soleil et non pas la Terre qui se trouve au centre de l’Univers.

Les percées scientifiques en astronomie viennent directement ébranler le pouvoir de l’Église, dont les doctrines officielles affirmaient alors la théorique géocentrique de l’Univers. 

Cette théorie correspondait beaucoup mieux à une vision anthropocentrique de l’Homme et de sa place dans l’Univers. 

Jusqu’à cette époque-là, dans le domaine de l’astronomie, on croyait que le Soleil et la Lune tournaient autour de la Terre. 

Autrement dit, puisque l’être humain était la principale création de Dieu, l’Église jugeait qu’il était normal de croire que la Terre devait, elle aussi, avoir une place centrale dans les plans de Dieu et occuper le centre de l’Univers. 

Les découvertes astronomiques des scientifiques de la Renaissance occasionnèrent d’ailleurs une réaction de l’Église contre les théories astronomiques de Copernic ou encore de Galilée. 

Mais on ne s’arrêta pas simplement à interdire les écrits des astronomes. 

En l’an 1600, l’Église alla jusqu’à faire brûler vif, pour hérésie, le philosophe et astronome visionnaire Giordano Bruno. 

Ce dernier affirma, dans son De l’infinito, universo e Mondi, que l’Univers, non seulement était infini, mais qu’il devait être peuplé d’une multitude de planètes semblables à la nôtre et habitées par d’autres formes de vies que la nôtre.

C’est donc dans un contexte de redécouverte de la culture antique et de percées scientifiques dans les sciences de la nature qu’Uranie refera surface dans la culture artistique et scientifique des temps modernes. 

La foi chrétienne, en perdant progressivement son influence dans les cercles scientifiques et artistiques, laissa place à un regain d’intérêt pour les divinités et les esprits qui peuplaient le monde antique. 

Par conséquent, avec la redécouverte des écrits anciens, ce sont également leurs croyances qui refirent surfaces et avec elles Uranie la muse des astronomes, qui réapparaissait bien opportunément dans cet âge de découvertes astronomiques sans précédent. 

Uranie dans la culture matérielle de l’astronomie

Depuis la Renaissance, de nombreux lieux dédiés à l’astronomie ont porté son nom. Ce qui atteste de l’importance que lui ont accordée les astronomes au cours de l’histoire. 

observatoire uraniborg
Représentation de l’observatoire Uraniborg. La muraille entourant l’observatoire faisait 100 m par côté.

Sur l’île de Hven en Suède, un observatoire, aujourd’hui disparu, avait été nommé Uraniborg en son honneur.

En effet, cet observatoire avait jadis été commandité par le roi Frédéric II de Danemark, ami des sciences, afin d’offrir un lieu d’observation à l’astronome danois Tycho Brahe.

grand quadrant de Tycho Brahe
Le grand quadrant de Tycho Brahe

Pour mener à bien ses travaux, Brahe percevait également une rente annuelle et disposait des pleins pouvoirs sur cette île. 

En 1576, débuta ainsi la construction d’un immense observatoire-palais, destiné exclusivement à l’astronomie. 

Sous l’inspiration d’Uranie, Tycho Brahe parvint à faire de nombreuses observations intéressantes. 

Son catalogue des étoiles était le plus complet et le plus précis jamais publié depuis l’Almageste de l’astronome grec du 2e siècle de notre ère, Ptolémée.

Toutefois, rien ne reste de cet observatoire.

Il fut plus tard détruit par les habitants de l’île, excédés par l’administration tyrannique opérée par Brahe, qui détourna une grande partie des ressources de l’île afin de financer ses observations astronomiques. 

Mais, encore de nos jours, plusieurs observatoires portent son nom comme c’est le cas à Berlin, à Vienne ou encore en Suisse.

observatoire urania
Observatoire Urania de Zurich

De l’autre côté de l’océan Atlantique, aux États-Unis, exemple par excellence de ces pays qui s’inspirèrent fortement des Lumières et par conséquent de l’Humanisme et de l’Antiquité, on y retrouve un exemple frappant de la persistance d’Uranie dans la culture astronomique. 

C’est ainsi qu’Uranie a été choisie pour représenter l’emblème officiel de l’observatoire naval des États-Unis, fondé en 1893 et situé près de Washington D.C.

observatoire naval
Observatoire naval des États-Unis

Sur cet emblème, on peut y voir Uranie représentée des attributs avec lesquels vous êtes désormais habitués, les étoiles et le globe. Sous ses pieds on peut lire : 

« Adde gubernandi studium : pervenit in astra, et pontum caelo conjunxit ».

Ce qui signifie : 

« Augmenter l’étude de la navigation : elle arrive dans les étoiles et marie la mer au ciel. »

*(La traduction a été effectuée de l’anglais vers le français grâce à l’outil de traduction de Google. Toutefois, j’ai retrouvé une traduction en français datant de 1786 : « Ajoutez-y l’art de gouverner un bon vaisseau ; un bon pilote connoît nécessairement les astres, le ciel règle les opérations sur la mer. »)

uranie symboleCette phrase, tirée de l’Astronomicon, de l’auteur latin du 1er siècle de notre ère, Marcus Manilius, peut être interprétée comme faisant référence aux origines mêmes de l’astronomie. 

En effet, depuis que l’Homme a levé les yeux vers les cieux, il a pu voir dans le mouvement des astres des instruments adéquats pour permettre de faire des mesures. 

Il a d’abord pu mesurer le temps avec le Soleil et la Lune, mais les astres lui ont également été utiles pour la navigation et le déplacement de nuit grâce à l’observation du ciel. 

Il est donc naturel de penser que par la navigation, on trouve effectivement dans les étoiles le moyen de joindre la mer et le ciel. 

Car c’est par l’étude et la connaissance précise des étoiles et des constellations que les navigateurs de toutes les cultures et de tous les temps ont su guider leurs navires à travers le silence et l’obscurité de la nuit.

Conclusion

En guise de conclusion, on peut affirmer que même si son souvenir est moins largement répandu que d’autres personnages de la très riche mythologie grecque, Uranie a su demeurer présente dans l’héritage culturel de l’astronomie. 

Elle continue à inspirer les astronomes et à guider leur regard lors de leurs observations nocturnes.

La prochaine fois que vous sortirez votre télescope et que vous tomberez par hasard sur un sublime coin du ciel, que vous n’aviez jamais remarqué auparavant, avant de penser que c’est le fruit du hasard, peut-être penserez-vous cette fois-ci que vous avez été inspiré par Uranie.


Nous remercions Zack pour son article ! Vous pouvez la retrouver sur sa boutique de décorations spatiales ainsi que sur son blog (sur le même site) qui traite de sujets similaires sur l’astronomie.

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