Photographier la Lune comme un pro

Cet article a été rédigé par Alexis, astronome et astrophotographe passionné. Encore merci à toi Alexis pour ce super article ! 🙂


La Lune est l’objet céleste le plus brillant du ciel après le soleil.

C’est ce qui lui permet d’être visible de nuit comme de jour.

Lorsqu’on veut la photographier, le premier réflex est de le faire de nuit. Souvent au moment de la pleine Lune.

La Lune en plein jour
La Lune en plein jour

Mais d’autres situations peuvent aussi être intéressantes : par exemple en plein jour dans un ciel totalement bleu, lors de ses différentes phases ou encore lorsqu’elle se trouve juste au dessus de l’horizon et qu’elle prend une teinte orangée.

Les occasions ne manquent pas.

Vous pensez que la Lune est une cible de choix pour vous initier à l’astrophoto ?

Vous avez en partie raison, car elle est très brillante et bien visible dans le ciel nocturne.

Mais ce n’est pas si simple qu’il n’y paraît.

Les différences de luminosité entre la Lune et le paysage peuvent créer des situations lumineuses compliquées à gérer.

De plus, la Lune est relativement petite à l’œil nu, il faut donc avoir une longue focale pour capter le maximum de détails de sa surface. 

Dans les articles précédents, nous avons vu les connaissances techniques nécessaires à l’astrophoto, ainsi que le fonctionnement des différentes phases de la Lune.

Dans cet article nous allons voir comment photographier la Lune, c’est-à-dire comment gérer les problèmes de luminosité qu’elle pose.

Pour commencer, nous allons voir comment réaliser des photos de la Lune seule. Je vous montrerais ensuite comment l’intégrer à un paysage.

Les photos de pleine Lune

Le but d’une photo de Lune est de mettre en évidence les mers et lacs lunaires ainsi que les cratères et leurs éjectas.

pleine lune
Pleine Lune

La pleine Lune est le moment idéal pour les mers et les lacs lunaires car c’est la seule phase où ils apparaissent en entier.

C’est aussi le moment où la Lune est haute et brillante dans le ciel.

Matériel nécessaire

Au niveau du matériel, il vous faudra :

  • Un Appareil Photo Numérique (noté APN)
  • Un trépied photo
  • Un zoom ou un téléobjectif avec une focale longue.

Si certains d’entre vous possèdent déjà un tube pour l’observation, vous pouvez vous en servir comme objectif.

Il existe des bagues d’adaptations type T ou T2 qui permettent d’utiliser le télescope comme objectif photo en mettant l’APN à la place de l’oculaire.

Bague T2 sur le porte oculaire
Bague T2 sur le porte oculaire

Si vous utilisez un tube type Newton, votre miroir primaire devra être le plus propre possible, car la poussière donnera un effet nébuleux à votre photo qui sera pénible à retirer en post-traitement.

Pour ceux qui n’ont pas d’appareil photo, il existe des adaptateurs qui permettent de fixer un Smartphone devant l’oculaire.

Personnellement je ne suis pas convaincu par cette technique car le résultat est assez médiocre. En effet, la lumière traverse trop de couches de verre et de plastique, créant ainsi des aberrations chromatiques qui donneront un effet dédoublé à votre photo et gâchera tout les détails intéressants.

Mais c’est mieux que rien pour commencer !

Réglages

Pour les réglages, gardez les ISO le plus bas possible pour éviter le bruit, et fermez votre diaphragme pour gagner en piqué.

Jouez avec la vitesse d’obturation pour voir qu’elle exposition vous préférez.

Cependant, n’oubliez pas la règle des 500 (pour capteurs plein format) et 350 (pour capteur APS-C) pour éviter le flou de mouvement sur votre photo.

pleine lune nuage

La mise au point se fera aisément dans l’œilleton de l’APN, mais elle sera certainement plus précise grâce à la visée par l’écran (Live View) en zoomant numériquement au maximum.

Pensez à centrer votre sujet car c’est au centre que votre capteur est le plus performant.

Comme nous utilisons une focale longue, les micro-vibrations dues à la manipulation du matériel rendront probablement votre photo floue au moment du déclenchement.

Mettez alors un retardateur de quelques secondes pour permettre à l’APN de se stabiliser avant de déclencher.

(Vous pouvez aussi utiliser une télécommande.)

La mise au point devra être la plus fine possible et la vitesse d’obturation assez rapide pour capter un maximum de détails.

Photographier les éclipses de Lune

Éclipse de Lune
Éclipse de Lune

Lors d’une éclipse, la Lune passe dans l’ombre de la Terre et prend une belle teinte rouge orangée, rare et recherchée des photographes.

Les éclipses de Lune sont des moments particuliers, plus difficiles à réaliser que les photos des pleine Lune, car la Lune est moins lumineuse.

De plus, elle traverse différents moments d’ombre et de pénombre tout au long de la nuit, ce qui modifie sa luminosité.

Il faut donc adapter ses réglages à chaque situation.

Ce phénomène est cependant assez apprécié des astrophotographes car même si la Lune devient beaucoup moins brillante, elle reste toujours bien visible.

Il est aussi possible de photographier l’évolution de l’éclipse tout au long de la nuit.

Certains font ce que l’on appelle un chapelet : ils prennent une photo de la Lune à intervalle régulier tout au long de la nuit, puis créent un panorama en superposant toutes leurs photos afin de montrer l’évolution de l’éclipse sur une seule image.

Évolution de l'éclipse de Lune
Évolution de l’éclipse de Lune

Vous pouvez faire la même chose avec un plan fixe pour créer un timelapse.

Pour ceux qui photographient avec un tube, vous pouvez faire de même, en prenant une photo à intervalle régulier puis en les alignant informatiquement. Vous pouvez aussi faire un time-lapse.

Comme je l’ai dit précédemment, la Lune est moins lumineuse lors d’une éclipse, et les réglages seront plus compliqués à gérer.

Globalement, vous serez  amenés à monter les ISO pour garder une vitesse d’obturation rapide et ainsi éviter le filé. Si le bruit vous dérange, il est possible de le supprimer en empilant vos prises de vues via un logiciel annexe. 

Maintenant que vous vous êtes entrainés sur la pleine Lune vous pouvez faire la même chose avec les autres phases.

Les photos des différentes phases de la Lune

Ce qui est intéressant à photographier dans les Lunes incomplètes ?

Premier quartier de Lune
Premier quartier de Lune

C’est le fait que la limite entre la lumière et l’ombre (appelé le terminateur) fait apparaître les détails des cratères, des montagnes et des failles de la surface lunaire.

Lorsqu’elle apparaît ou disparaît à l’horizon, sa luminosité dessine les ombres chinoises de l’horizon

C’est aussi au niveau de l’horizon qu’elle prend une légère teinte orangée due à l’atmoshère de la Terre, plus épaisse à l’horizon qu’au méridien. 

Lune Orangée

Pour ces photos, vous devrez prévoir la prise de vue au moment où la Lune se lève ou se couche.

Il faut s’y préparer à l’avance afin d’avoir le temps d’installer le matériel, de repérer précisément l’endroit où elle passera la ligne d’horizon, de faire vos réglages et quelques photos tests.

Si vous n’êtes pas assez rapides pour la préparation il est possible que vous ratiez le moment exact que vous souhaitez photographier, et vous serez alors contraints d’attendre au minimum vingt-neuf jours supplémentaires pour réaliser votre cliché.

(Si vous désirez la prendre pendant cette même phase.)

Pensez aussi que selon la phase que vous souhaitez photographier, il est possible que ce soit très tard le soir voire en plein milieu de la nuit, ou très tôt le matin.

Les réglages en fonction des phases

Pour la prise de vue il faudra adapter vos réglages en fonction de la phase que vous voulez photographier.

Un croissant étant moins lumineux qu’une Lune gibbeuse, les réglages seront différents.

Si vous êtes débutant en traitement photo vous pouvez commencer facilement en mettant chacune de vos photos côte à côte à l’aide d’un logiciel de retouche photo, pour mettre en évidence l’évolution des phases de la Lune.

Si vos prises de vues sont assez bonnes et qu’elles ont été faites à la même focale, vous pouvez aussi vous amuser à les mettre les unes à la suite des autres dans une vidéo pour créer une image animée (GIF) ou un Time-lapse

Photographier la Lune cendrée

lune cendrée
Lune Cendrée

Voici les réglages de la photo ci-dessus : Partie éclairée : 1/320s, F/6, 800 ISO | Partie cendrée : 1/4s, F/6 800 ISO

La partie cendrée de la Lune n’apparaît que lors des phases du premier croissant jusqu’au premier quartier et du dernier quartier au dernier croissant.

Pourquoi la Lune prend cette couleur cendrée ?

Le soleil envoie ses rayons sur la Lune qui nous les renvoient.

Ces rayons rebondissent ensuite sur la Terre éclairant ainsi légèrement la partie dans l’ombre de la Lune.

C’est le même phénomène que les réflecteurs utilisés par les photographes de portrait pour déboucher les ombres.

Si la Lune cendrée donne un résultat magnifique, il est compliqué d’exposer correctement ces deux parties à la luminosité bien différente.

Pour y arriver il faudra avoir recours à un High Dynamic Range (couramment appelé HDR). C’est une méthode informatique qui superpose plusieurs images d’expositions différentes afin d’obtenir autant d’informations dans les hautes lumières que dans les ombres.

Cette méthode permet d’avoir une meilleure plage dynamique pour une seule photo.

Réaliser un High Dynamic Range (HDR)

Pour réaliser le HDR, vous aurez besoin de deux expositions différentes :

Pour la première il faudra bien exposer votre photo sur la partie éclairée de la Lune, de manière à photographier un maximum de détails et de contrastes.

Sur cette exposition vous ne devriez donc voir apparaître que la partie éclairée de la Lune.

Pour la seconde photo, votre exposition sera faite sur la partie sombre.

Pour cela il sera peut-être nécessaire de monter les ISO pour garder une vitesse d’obturation assez rapide afin d’éviter le flou de mouvement.

Essayez de ne pas trop ouvrir le diaphragme afin de garder un maximum de piqué et une meilleure netteté.

La partie cendrée de la Lune est plus compliquée à photographier car peu lumineuse.

La photo aura un coté cendré avec quelques détails et la partie éclairée sera complètement cramée, c’est normal.

En post-traitement, reprenez les contrastes et l’exposition de ces deux images indépendamment l’une de l’autre, puis superposez-les. Vous ferez ainsi apparaitre la face cendrée sur le croissant bien exposé.

Vous trouverez assez facilement des tutos de cette technique et notamment un qui est plutôt bien fait sur la chaîne Youtube « Pause Longue ».

D’autres techniques de HDR existent, mais celle-ci est à mon avis la plus simple. 

Il faut savoir que les pleins formats on une plage dynamique bien plus étendue que celle des autres capteurs. Ceux qui possèdent un plein format n’auront peut-être pas besoin du HDR pour faire ce genre de photo.

De plus, cette plage dynamique étendue permet de prendre des photos de la Lune intégrée à un paysage en recourant à un HDR. Mais n’ayant pas de 24×36 je ne peux pas vous le confirmer avec mon expérience personnelle, ni vous expliquer le procédé.

Intégrer la Lune dans un paysage : golden et blue hour

Pour intégrer la Lune dans les photos de paysages de nuit avec des capteurs plus petits, sachez que cela va commencer à être un peu plus compliqué.

En effet, la Lune agit comme un gros spot lumineux dans le ciel. La différence de luminosité entre la Lune, le ciel et le paysage est tellement grande, que même un HDR sera insuffisant pour réaliser ce genre d’exposition.

J’ai déjà essayé plusieurs fois et je n’y suis pas encore arrivé… Mais rien ne vous empêche d’essayer et si vous y arrivez je veux bien savoir comment vous avez fait !

Le seul moyen que j’ai expérimenté personnellement c’est la photographier à « l’heure dorée »,  ou de « l’heure bleue ».

L’heure dorée (golden hour en anglais) est la courte période qui suit le lever du Soleil ou qui précède le coucher du Soleil, et qui teinte le paysage d’une lumière orangée plus douce que le plein jour.

Lune Golden Hour
Lune et Golden Hour

L’heure bleue (blue hour) est la période de crépuscule du matin et du soir. C’est donc le moment juste avant que le Soleil se lève, ou juste après qu’il se couche.

Vous pouvez aussi utiliser la pollution lumineuse pour réduire l’écart de luminosité, en prenant une photo de nuit en pleine ville.

Réglages

Pour les réglages, il faudra jouer sur le temps de pose pour éviter d’ouvrir trop le diaphragme ou de monter trop haut les ISO.

Pour les capteurs les moins performants, il faudra peut-être avoir recours à un HDR.

Les incrustations

Si vous voulez vraiment intégrer la Lune à votre composition de paysage nocturne, il vous faudra procéder à une incrustation, c’est-à-dire insérer un élément dans une image qui n’y apparaît pas à l’origine.

Il me semble que l’on s’éloigne ici du domaine de la photographie pour rentrer dans celui du graphisme.

incrustation lune
Lune incrustée

La limite étant floue pour les non-initiés il faut bien préciser lorsque vous montrerez vos photos dans quel domaine vous vous situez.

Pour réaliser une incrustation, prenez une photo d’un paysage nocturne, sans lune, pour avoir beaucoup de détails et d’étoiles dans le ciel.

Prenez ensuite une photo bien exposée de la lune, puis avec un logiciel type Photoshop, incorporez la lune dans le ciel grâce à un masque de fusion.

Essayez de jouer un peu sur l’opacité du masque pour un effet plus réel.

La nuit Américaine

Toujours dans le domaine du graphisme et de la retouche photo, vous pouvez faire ce qu’on appelle une nuit américaine pour traiter le premier plan de votre photo.

Cette technique est très utilisée dans les film car elle permet de tourner des scènes en plein jour, alors qu’elles sont censées se passer la nuit.

nuit américaine
Nuit Américaine

Comment réaliser une nuit Américaine

Pour réaliser une photo de nuit américaine, prenez d’abord votre premier plan en pleine journée, ce qui vous permettra de baisser les ISO et d’exposer correctement votre photo.

En post-traitement, modifiez la balance des blancs vers des tons bleutés et baissez l’exposition de la photo pour donner une impression de nuit, tout en gardant les détails.

Pensez à diminuer un peu la saturation, car on distingue moins bien les couleurs en basse lumière.

Puis, intégrez un ciel nocturne à votre photo.

Il vous suffira de faire comme une photo de voie lactée, c’est-à-dire prendre une série de photos et l’empiler pour supprimer le bruit.

La différence avec une photo de voie lactée c’est que vous ne viserez que le ciel pour n’avoir que des étoiles dans le cadre.

Enfin, reprenez votre plus beau HDR ou une photo de Lune que vous aimez bien, et assemblez le tout, toujours avec des masques de fusion.

Les éclipses de Soleil

Vous remarquerez que je n’ai pas parlé des éclipses de soleil.

Éclipse Solaire
Éclipse Solaire

Ces événements sont dangereux, non seulement pour vos yeux, mais aussi pour votre capteur et appareil photo.

En effet, il ne faut jamais pointer votre objectif vers le soleil !

Avec la réfraction du verre et l’amplification de la lumière vous risquerez de brûler votre capteur et vos yeux par la même occasion.

Si vos voulez photographier une éclipse de soleil il vous faut des filtres ND de bonne qualité (Neutral Density).

Ce sont des filtres qui diminuent la lumière qui entre dans votre boitier. Ils ont une valeur de densité allant de 1 à 1000.

Dans le cas d’une photo incluant le soleil (éclipse, transit de planète ou de l’ISS…) vous devrez vous munir d’un filtre ND 1000 pour ne courir aucun risque.

Si vous avez choisi l’option du télescope avec la bague d’adaptation, il faudra vous équiper d’un filtre solaire à l’entrée du tube.

N’ayant encore jamais fait de photos d’éclipses de soleil je ne saurai vous dire quels réglages appliquer pour votre exposition mais ils ne vous poseront pas de problèmes majeurs étant donné que c’est une situation très (trop) lumineuse.

Conclusion

Pour conclure, bien qu’elle soit très lumineuse, la lune peut être difficile à photographier, surtout lorsque l’on veut l’inclure dans un paysage.

En astrophoto le problème vient souvent du manque de luminosité.

Avec la Lune c’est un peu l’inverse : elle est très brillante en comparaison du paysage nocturne, ce qui pose des difficultés pour exposer la photo.

La manière la plus simple de la photographier est de la prendre en gros plan lors de la pleine Lune ou de ses différentes phases.

Pour mettre en évidence la partie cendrée, il faut recourir à une technique de HDR.

Enfin, pour l’inclure dans un paysage, il faut soit attendre l’heure bleue ou l’heure dorée, soit recourir à des techniques appartenant plus au domaine du graphisme comme l’incrustation et la nuit américaine.

Selon le matériel que l’on possède, il faut parfois faire preuve de créativité et d’inventivité pour arriver à un résultat satisfaisant.

La Lune reste néanmoins une cible intéressante pour débuter dans le domaine de l’astrophoto car il est facile d’avoir rapidement de bons résultats et les possibilités de créations sont nombreuses.

La complexité de la lumière lunaire permet au débutant d’apprendre le fonctionnement de la photographie nocturne et quelques techniques de retouche informatique.

Elle donne une bonne idée du temps et de la complexité de l’astrophotographie, ce qui permet ensuite de passer à des types de photos plus complexes comme les photos de Voie Lactée.

Maintenant c’est à vous !

Et comme d’habitude, si vous avez des questions, n’hésitez pas à les poser en commentaires 🙂

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